mardi 6 septembre 2011

Mon Mystère (Anne Sylvestre)


En guise d'intro pour le débat sur "Oser le cheveu blanc"...

Vous n'avez pas à vous en faire 
Pour mon mystère,
Ne vous faites aucun souci
Pour mes petits secrets, merci.

Je suis la femme, l'éternelle,
Celle dont on voit tant et plus, 
Le soutien-gorge de dentelle
Passer sur tous les autobus.
Mon collant va bientôt vous plaire,
Mes fesses au niveau de vos yeux.
Quant à mon slip il prolifère
Dans le métro, c'est merveilleux.

Vous n'avez pas à vous en faire 
Pour mon mystère,
Ne vous faites aucun souci
Pour mes petits secrets, merci.

Je suis la fée, je suis l'ondine,
Qui récure ses cabinets
Avec une poudre divine,
A côté d'un papier duvet.
Je suis l'unique, la première,
Je suis l'adolescente en fleur.
Celle qui montre son derrière
Pour vendre un réfrigérateur

Vous n'avez pas à vous en faire 
Pour mon mystère,
Ne vous faites aucun souci
Pour mes petits secrets, merci.

Je suis la fleur tendre et fragile,
Ouvrant sa corolle au matin,
A condition que je m'épile,
Mais ça repousse et c'est vilain !
Ma fraîcheur sera comme neige,
Il serait pourtant plus prudent
Qu'après cinq heures je m'asperge
D'un odoricide dément.

Vous n'avez pas à vous en faire 
Pour mon mystère,
Ne vous faites aucun souci
Pour mes petits secrets, merci.

Je suis libre, je cours, je vole.
Même les quelques jours du mois,
Rien n'entrave ma course folle,
Avec les tampons houp-lala.
Ma beauté est toujours à l'aise,
Vous le savez, vous qui vous aillez
Cet étalage de prothèse 
Dans votre journal familier.

Vous n'avez pas à vous en faire 
Pour mon mystère,
Ne vous faites aucun souci
Pour mes petits secrets, merci.

Approchez, je suis votre rêve,
A cet étal de boucherie
Un jour miraculeux se lève
Où mon corps sera mis à prix.
Mais bientôt, mais bientôt merveille
Cet esclavage aura vécu,
Bientôt enfin je serai vieille
Vous ne m'imaginerez plus.

Je n'en aurai plus rien à faire 
De mon mystère,
Je n'aurai plus aucun souci,
Ni de petit secret, merci.

On ne mettra plus en vitrine
Ni mes dessus ni mes dessous.
J'aurai enfin pauvre poitrine,
Des varices et le ventre mou.
Je me vautrerai dans mon âge,
Je boufferai n'importe quoi
Sans qu'on m'emmerde à chaque page
Avec tout ce qu'il ne faut pas.

Et je serai, pour vous déplaire,
Un gros mystère.
Vous vous ferez bien du souci,
Je garde mon secret, merci.


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